La France et son Produit Interieur Brut vs le Bhoutan et son Bonheur National Brut





Vers un indicateur du mieux-vivre plutôt qu'un indicateur de croissance économique?



Les chiffres sont tombés avant-hier. Avec la crise liée au COVID-19,« totalement inédite dans sa nature, et plus violente que les crises précédentes » d’après le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau dans une interview au Journal du dimanche (JDD) du 19 avril, la France enregistre un record historique : une chute du Produit Intérieur Brut (PIB) de 5,8 % sur le premier trimestre 2020, la plus forte jamais enregistrée depuis la création de cet indicateur économique en 1949.





Rappelons que le PIB est un indicateur de la production de richesse réalisée sur un Etat sur une période donnée, grâce aux acteurs économiques résidant dans le pays concerné (pour bien comprendre de quoi il s’agit, je vous invite à visionner la vidéo explicative très simple, claire et rapide du Journal du Net : https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-economique-et-financier/1199005-pib-produit-interieur-brut-definition-calcul-traduction/).

En gros, plus le PIB est important, plus le pays est considéré comme « riche ».

Plus le PIB par habitant est élevé, plus les habitants sont riches et bénéficient -normalement- d’une meilleure qualité de vie.

Le PIB est un indicateur qui a été utile juste après la Seconde guerre mondiale pour mesurer le redressement économique mais aujourd’hui ce n’est plus vraiment adapté. Les malades qui souffrent du cancer ou les destructions dues aux catastrophes naturelles génèrent aussi de l’emploi et des besoins, mais il n’y a pas de distinction entre ce qui est bon et mauvais pour la planète et pour les gens dans cet indicateur de production de richesse.


Il est justement un pays qui, depuis 1972, a initié une sorte de révolution en décidant de ne plus se référer à au sacro-saint indicateur PIB et en adoptant l’indice du « Bonheur National Brut (BNB) », un chiffre plus complet et représentatif du niveau de vie réel. En effet, depuis 2008, le Bhoutan a intégré la recherche du bonheur dans sa Constitution. Le Bhoutan est un petit pays niché au cœur de l’Himalaya, enclavé entre les deux géants que sont la Chine et l’Inde. Le pays est dirigé par un roi, et compte plus de moines que de soldats.


Le Bonheur National Brut

Le « Bonheur National Brut » repose sur 4 piliers fondamentaux :

- le développement durable. Le Bhoutan est le seul pays au monde à avoir un bilan carbone négatif, c’est-à-dire qu’il absorbe plus de CO2 qu’il n’en produit. Les projets d’investissements doivent être éco-responsable et être bénéfique sur le long-terme pour la population.

- la préservation de la culture. Le respect des traditions est encouragé, les programmes télévisuels prônent la culture bhoutanaise, et les fonctionnaires portent le costume traditionnel bhoutanais. Pour les bhoutanais, connaître ses racines et ne pas les oublier, est essentiel pour être heureux.

- la conservation de la nature. Plus de la moitié des Bhoutanais travaillent la terre. Les forêts protégées couvrent 70% du territoire, et les plantations annuelles font partie intégrante de l’éducation des enfants bhoutanais. Les montagnes aussi sont sacrées et protégées. Le pays a ainsi refusé de nombreux projets miniers de la part d’investisseurs étrangers, pour préserver la Nature.

- la bonne gouvernance. Enseignement primaire et soins médicaux sont gratuits pour tous. En 2008, le père de l’actuel roi avait décidé d’abdiquer à 50 ans au profit de son fils car il estimait que le pays devait être géré par quelqu’un de plus jeune. Ils ont alors basculé vers un système parlementaire de monarchie constitutionnelle et ont commencé à former des partis. Les rois ont des modes de vie simples, sont éclairés et proches de la population.


Marie-Monique Robin, réalisatrice d’un documentaire « Bhoutan : au pays du Bonheur national brut » pour ARTE en 2014, témoigne :

« Ils ont quasiment interdit l’exploitation minière pour éviter la détérioration de l’environnement, il n’y a pas de publicité dans les rues, ce qui est très agréable, et le gouvernement fait tout pour éviter l’endettement de la population et la surconsommation. C’est un pays qui s’ouvre peu à peu à l’extérieur mais qui ne veut pas n’importe quel progrès. Leur démarche est inspirante. Par rapport à d’autres pays dits sous-développés, on ne sent pas la misère, j'ai vu des gens qui mangent à leur faim, ont un toit, bénéficient de l’éducation et de la santé gratuites et sont intégrés à une communauté. La notion de bonheur est très relative, ils veulent comme tout le monde que leurs besoins matériels soient couverts mais ils accordent aussi beaucoup d’importance au reste. Ils sont modestes, ils disent eux-mêmes qu’ils ne sont pas le pays du bonheur, qu’il y a des choses à régler comme la pauvreté rurale, l’intégration des jeunes sur un marché de l’emploi encore restreint ou le défi de l’accroissement démographique dans la capitale.»


Vers un indicateur international du mieux-vivre

Evidemment c’est un très petit pays, à la culture bouddhiste, qui a longtemps été isolé et son fonctionnement n’est pas transposable partout en l’état. Mais l’idée a depuis fait son chemin dans la communauté internationale.


En 2012, après concertation avec le gouvernement Bhoutanais, l’ONU a lancé le Word Happiness Report, un classement des pays en fonction du bonheur de leur population.

Cet indicateur du mieux-vivre, Rebonditude vous le présentera en détail dans un prochain article.


Pour aller plus loin :

Bhoutan, au pays du bonheur national brut, arte TV - 2014:

https://info.arte.tv/fr/bhoutan-au-pays-du-bonheur-national-brut

Bhoutan ... Vent de changement au pays du bonheur . arte TV - 2019 : https://www.youtube.com/watch?v=QJ6YNnNMjz4

Le livre de Thierry Mathou, spécialiste du Bhoutan : Le Bhoutan, Royaume du Bonheur National Brut, Entre mythe et réalité : http://www.amisdubhoutan.fr/page02s/Mathou%20Thierry%20le%20Bouthan%20royaume%20du%20bonheur%20national%20brut.pdf .